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Le 20 novembre 2019

Haïti : 30 ans après l’adoption de la Convention relative aux Droits de l’Enfant par les Nations-Unies

20 novembre 1989 –  20 novembre 2019, 30 ans depuis que les Nations-Unies ont adopté la Convention  relative aux Droits de l’Enfance. Cinq ans plus tard, le texte a été ratifié par Haïti. L’année 2019 inaugure ainsi  un quart de siècle depuis que le pays s’est historiquement engagé à reconnaitre, garantir et promouvoir les Droits de l’Enfant. Quelle est la situation des enfants en Haïti aujourd’hui ? Quels sont les apports de cette Convention pour Haïti ? Quels sont les efforts d’application des termes de ce document sur le terrain ? Haïti a- t- elle  effectivement les moyens  nécessaires pour appliquer les dispositions de cette convention ?

En effet, depuis novembre 2012, SOS Enfants, France et IPEDH, Haïti, ont établi un partenariat  ayant donné naissance au Programme de Scolarisation et d’Encadrement des Enfants en Domesticité et en grande Vulnérabilité (PSEEDV) à Croix-des-Bouquets. Une école spéciale en après-midi, Institution Mixte le Sel, a été ouverte à Cottard, Croix-des-Bouquets, en faveur des enfants dits « Restavek». Conscients de la situation de précarité extrême dans laquelle vivent les enfants en Haïti, à l’occasion de ce 30e anniversaire de l’adoption de la Convention relative aux Droits de l’Enfants, nous voulons attirer l’attention des citoyens du monde en tirer sur la situation infernale des Enfants en Haïti.

C’est à Dada de deviner son âge. Elle ne le sait pas et n’a aucun document pour le constater.  Arrivée chez une famille d’accueil l’année dernière à Croix-des-Bouquets,  grâce à l’Institution Mixte le Sel, elle a eu la joie de faire sa première expérience avec l’école. Ses parents vivent au département de la Grand’ Anse et incapables de garantir l’éducation a leur fille.

Les structures chargées de l’état civil en Haïti sont défaillantes. Les bureaux d’état civil sont quasiment absents dans les sections communales. Seulement cinq (5)  sur cinq cent soixante-dix (570) disposent d’un bureau d’officier d’état civil pour enregistrer les naissances. C’est avec peine que le paysan, 60% de la population, arrive à enregistrer la naissance d’un enfant.[1]

Le système n’enregistre pas tous les enfants nés chaque année et ne peut fournir une copie de l’acte de naissance aux parents.  Ce qui constitue un problème crucial pour beaucoup d’Haïtiens en Haïti comme à l’extérieur du pays.

Au  premier paragraphe de l’article 7 de la Convention relative aux Droits des enfants, nous lisons ceci : «  L’enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci le droit à un nom, le droit d’acquérir une nationalité et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. »

Non seulement le droit de l’état civil de Dada est bafoué, elle fait aussi partie des 207,000 enfants en domesticité en Haïti, environ 2% de la population totale. Une réalité particulièrement contraire aux prescrits des articles 9, 18, 20, 26 et 27 de la Convention des Nations Unies protégeant les Enfants. Ce droit naturel et légitime à la sécurité et à l’assurance sociale est totalement négligé dans les faits.

Dada a environ douze (11) ans et n’avait jamais eu la chance d’aller à l’école.  Son droit à l’éducation est pur et simplement violé. Or, le chapitre de l’Article 28 de la Convention des enfants votée par Haïti,  dont les idées essentielles déjà présentes dans la Constitution haïtienne de 1989,  stipule : «  Les Etats parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances : a) Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous… ».  Selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI) : « 60% des enfants de 6-11 ans sont scolarisés au primaire sur l’ensemble du territoire. Le retard du milieu rural est patent: un peu plus d’un enfant de 6-11 ans sur deux va à l’école primaire en milieu rural contre plus de sept enfants sur dix dans l’Aire Métropolitaine (72%) et dans les villes de province (75%). »[2]

Les violences contre le droit à l’éducation des enfants n’ont jamais été aussi criantes en Haïti selon certains parents et observateurs. En effet, les enfants sont les cycles directs dans la crise politique actuelle à travers le pays où l’opposition politique exige la démission du président de la République, Jovenel Moise. La quasi-totalité des écoles sont fermées depuis septembre sur tout le territoire national. Au mois de septembre, certains enfants prenant la route de l’école ont été attaqués et battus par des manifestants. Certains enfants ont été tués dans les scènes de violences. Des écoles ont subi toutes formes d’attaques.

En dehors des problèmes de l’état civil, la domesticité infantile  et la non-scolarisation des enfants, il faut noter la situation des enfants des rues, ceux vivant dans des conditions irrégulières dans les orphelinats et ceux engagés dans les gangs armés à travers le pays.

D’autre part, à cause de la situation de chômage et le taux d’inflation élevé, les familles sont incapables de garantir un cadre de vie décent et un niveau de vie suffisant conformément à l’article 27 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant. En effet, selon des informations disponibles sur le site de la Banque Mondiale :

Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant de 870 $ en 2018 et un indice de développement humain le classant 168 sur 189 pays cette même année. (…) Plus de 6 millions d’Haïtiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2.41 $ par jour, et plus de 2.5 millions sont tombés en-dessous du seuil de pauvreté extrême, ayant moins de 1.23 $ par jour.[3]

Selon le rapport de l’IHSI sur l’Indice des Prix à la Consommation pour le mois d’août, la santé a accusé  la position la plus aigue, près de 28% d’augmentation. Or, moins de 10% de la population dispose d’une assurance de santé. Alors que les hôpitaux publics dans le pays fonctionnent dans des conditions extrêmement difficiles, et les moindres services sont payants. Le  droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible est certes établi dans les textes mais n’atterrit encore même dans les rêves.

[1]  http://unfpahaiti.org/pdf/Etat_Civil_2_vers_2.pdf

[2] http:// www.ihsi.ht › pdf › ecvh › ECVHVolumeI › education

[3] https://www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview

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