Le 20 novembre 2019
30 ANS APRES LA SIGNATURE DE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L’ENFANT
Situation aux Philippines
En 1990, les Philippines signaient la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) pour s’engager à mettre en œuvre des lois et politiques qui assurent le meilleur intérêt de l’Enfant. D’après une étude conduite par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) publie?e en 2015 sur l’analyse des lois domestiques sur les violences contre les enfants dans les pays membres de ASEAN, les Philippines sont en conformité avec les lois internationales des droits des Enfants. D’après le Centre de Ressource des Femmes (CWR), malgré plus de 37 lois exécutives et ordonnances administratives pour protéger les femmes et les enfants, les victimes de violences sont de plus en plus jeunes et les agresseurs deviennent de plus en plus hardis et brutaux. Le CWR annonce qu’une femme ou un enfant est violé toutes les 53 minutes, dont 70% sont des enfants. Ainsi, alors que les lois existantes sont complètes et correctement formulées, leur mise en œuvre reste un réel problème.
En 2019, 31% de la population est âgée de moins de 14 ans et 6,9 millions d’enfants sont victimes de violences sexuelles dont 70% ont entre 10 et 18 ans, et 20% ont moins de 6 ans. Malgré des lois en faveur du respect de droits fondamentaux des enfants, de nombreux obstacles continuent d’entraver la protection de l’Enfance. Depuis sa création en 1997, l’association CAMELEON a eu pour mission principale de mettre en œuvre l’article 19 de la CIDE afin de défendre et garantir la protection des enfants aux Philippines, notamment contre les violences sexuelles.
Aux Philippines : de nombreuses lois mises en place pour respecter les droits de l’Enfant
Protection de l’Enfant contre toutes les formes de violence
En 1992, l’État philippin promulgue le Republic Act 7610 sur « la protection spéciale des enfants contre les sévices, l’exploitation et la discrimination ». Une des premières lois qui l’engage à mettre en œuvre l’article 19 de la CIDE afin de protéger les enfants philippins contre toutes les formes de maltraitance, de négligence, de cruauté, d’exploitation comme la prostitution infantile, de discrimination et d’autres conditions préjudiciables à leur développement.
En 2004, le R.A 9262 inclut la protection des enfants dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. La loi défend les victimes de toutes les formes de violence dont les violences physiques, sexuelles, et psychologiques, les abus économiques et financiers.
Défendre les enfants face aux violences et exploitations sexuelles
La Proclamation 731 de 1996 a mis en place la Semaine de Sensibilisation Nationale pour la prévention des violences et exploitations sexuelles faites aux enfants, la deuxième semaine de Février. Cette semaine permet de briser le tabou des violences sexuelles.
Deux lois ont été promulguées afin de définir le viol comme un crime : le R.A 8353 de 1997, et de fournir une assistance et protection aux victimes : le R.A 8505 de 1998. Dès lors, est considéré comme victime de viol, tout mineur âgé de moins de 12 ans, qui est l’âge le plus bas parmi les pays d’Asie. L’État s’engage à travers ses divers organismes et organisations non gouvernementales à collaborer en vue de la création et du fonctionnement d’un centre d’aide aux victimes de viol dans chaque province et ville, pour protéger les victimes, les aider à se rétablir et à les assister judiciairement.
Malheureusement, il existe une demande importante de tourisme sexuel aux Philippines. C’est un pays cible pour le trafic d’êtres humains, notamment en termes d’exploitation sexuelle. En 2003, la loi contre la lutte contre la traite d’êtres humains a été promulguée puis renforcée en 2012. Aujourd’hui, le développement des nouvelles technologies a permis l’avènement de la cyber pédocriminalité. Les Philippines sont ainsi devenues un épicentre mondial du commerce de pornographie infantile. En 2009, le R.A 9775 pour la lutte contre la pornographie infantile a été mise en place afin de protéger les enfants, souvent vivant dans l’extrême pauvreté. Cette loi a également été renforcée par le R.A 1017 en 2012, loi sur la prévention de la cybercriminalité avec des peines allant jusqu’à 12 ans de prison.
L’éducation pour les enfants
Selon l’UNICEF, on dénombre aux Philippines près de 2,85 millions d’enfants âgés de 5 à 15 ans qui ne sont pas scolarisés. En 2013, le R.A 10533 pour le renforcement de l’éducation de base a été promulgué. La loi prévoit au moins un an d’éducation préscolaire et douze ans d’éducation de base (six ans au primaire, quatre ans au premier cycle du secondaire et deux ans au deuxième cycle du secondaire).
La prévention des grossesses chez les adolescentes
Les Philippines sont un pays très conservateur et très religieux où 80% de la population est catholique. En 2012, le R.A 10354 a été le fruit d’un débat controversé car cette loi engage l’État à garantir l’accès à l’éducation sexuelle, l’accès universel aux moyens de contraception et aux soins liés au droit sexuel reproductif comme les soins maternels. Pourtant, entre 1997 et 2015, les grossesses chez les adolescentes ont également fortement augmenté, passant de 49 à 59,2 naissances pour 1 000 femmes (âgées de 15 à 19 ans), taux similaire à celui des années 1960 aux Philippines.
Malheureusement, malgré de nombreuses lois conformes aux principes de la CIDE et en faveur du respect des droits de l’Enfant, il existe un paradoxe dans leur mise en œuvre concrète. L’un des nombreux défis à relever dans les années à venir, est celui de pousser l’application de ces lois sur le terrain, au sein des communautés, pour ne plus faire de ces droits fondamentaux une simple idée abstraite.
L’application des droits fondamentaux par CAMELEON
Aux Philippines comme en France, les violences sexuelles sont insidieuses, banalisées, taboues et rarement punies, nourries par la culture du silence liée à l’ignorance, la peur, la honte ou le déni. Peu de plainte sont déposées par peur des représailles de l’agresseur ou de la honte sur la réputation de la famille, mais aussi parce que les agents de police ne sont pas assez formés. Afin d’apporter une aide concrète aux enfants et faire appliquer leurs droits fondamentaux, CAMELEON a mis en place plusieurs programmes pour accompagner les jeunes victimes vers la voie de la guérison et de l’autonomie.
Reconstruction personnelle, réinsertion et autonomie
C’est dans les Maisons d’Accueil que les petites et jeunes filles âgées de 5 à 19 ans, toutes victimes de violences sexuelles, apprennent à se reconstruire. CAMELEON leur donne accès aux soins et à un suivi médical et psychologique afin de soigner leurs traumatismes (article 24).
CAMELEON souhaite donner aux jeunes filles la possibilité d’être entendues dans leur procédure judiciaire (article 12). Ainsi, en 2018, 48 jeunes filles accueillies ont souhaité poursuivre leurs agresseurs en justice. Elles reçoivent des conseils juridiques et sont accompagnées dans le dépôt de leur plainte et la préparation de leur audience : 3 procès ont été gagnés. Le sport et le cirque sont des outils thérapeutiques qui font partie intégrante du processus de reconstruction personnelle. A travers ces activités, les filles trouvent un moyen d’expression fort, une façon de s’épanouir à travers les loisirs et le jeu (article 13 et 31), et surtout elles reprennent confiance en elles en se réappropriant leurs corps.
Le droit à l’éducation (article 28) est un axe majeur des actions de CAMELEON. Les bénéficiaires des Maisons d’Accueil mais aussi d’autres enfants des communautés locales voisines sont scolarisés et parrainés jusqu’à la fin de leurs études supérieures.
Éducation et développement
Ce programme vise à apporter aux enfants défavorisés l’accès à l’éducation et le droit à un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social (article 27). En 2018, 359 enfants défavorisés ont été parrainés afin de pouvoir poursuivre leurs études au lycée et dans le supérieur.
CAMELEON a mis en place des projets communautaires permettant aux familles d’accéder à des formations professionnelles et participer à des projets générateurs de revenus. En 2018, ce sont 175 familles bénéficiaires qui sortent peu à peu de la pauvreté.
Prévention et plaidoyer
Pour prévenir la maltraitance infantile et les violences sexuelles, le programme prévention et plaidoyer a mis en place des activités de sensibilisation à destination de la population, des autorités locales et nationales afin de prévenir les violences sexuelles et la maltraitance des enfants. CAMELEON a formé parmi ses bénéficiaires des jeunes ambassadeurs des droits de l’Enfant Voice of Cameleon Children (VCC) et des jeunes ambassadeurs de la santé Cameleon Youth Health Advocate (CYHA). Ces jeunes ont l’opportunité de pleinement exercer leur liberté d’expression (article 13) pour promouvoir les droits de l’Enfant et le droit à l’éducation sexuelle et reproductive, qui sont encore fragiles dans le pays. En 2018, ce programme a permis de sensibiliser près de 300.000 personnes.
Les défis à relever…
Aujourd’hui, de nombreux obstacles entravent l’exercice des droits fondamentaux des enfants.
Le viol statutaire pour les enfants de moins de 12 ans
Aux Philippines, toute relation sexuelle avec un mineur de moins de 12 est considérée comme un viol. L’âge du consentement sexuel légal de 12 ans est le plus bas parmi les pays d’Asie (il est de 14 ans en Chine, 15 ans au Cambodge, 17 ans en Indonésie et 18 ans en Inde). C’est un facteur endémique pour le tourisme sexuel et l’exploitation sexuelle infantile dans le pays. Cette loi discrimine les victimes de plus de 12 ans, un obstacle pour les protéger et leur rendre justice car ces enfants doivent prouver qu’ils n’étaient pas consentants.
Classification des agressions sexuelles
La loi philippine classifie et hiérarchise les peines selon le « type de viol » et d’agression sexuelle. En cas de pénétration vaginale, l’agresseur est condamné à la peine à perpétuité, au contraire, en cas de pénétration anale, l’agresseur ne peut être condamné qu’à une peine de 12 ans de prison maximum.
La loi philippine classifie également les victimes de viols selon le sexe de la victime, ce qui est contraire aux principes de non-discrimination des droits fondamentaux. Pour les garçons qui sont victimes de viol, l’agresseur est condamné à une peine de prison moins sévère de 6 à 12 ans, contrairement à la peine de réclusion à perpétuité, 20 à 40 ans, si la victime est une fille.
Un long chemin vers la justice
Aux Philippines, l’absence ou la mauvaise qualité de mise en œuvre des lois qui protègent les enfants reste l’obstacle principal à leur efficacité. De nombreux organes officiels de protection de l’enfance sont dysfonctionnels, manquants ou inefficaces. Les juges ne sont pas suffisamment formés aux affaires de violences sexuelles sur mineur et les audiences sont régulièrement annulées ou reportées…stratégie pour faire craquer les jeunes victimes et qu’elles acceptent de retirer leur plainte ou de requalifier le crime en délit. Les procédures judiciaires peuvent ainsi durer de 5 à 8 ans. Pour les victimes, le tribunal est un lieu où elles revivent leurs traumatismes et où elles doivent de nouveau affronter le regard de leur(s) agresseur(s). Par ailleurs, dans la majorité des cas, 80% des agresseurs sont en fuite et seulement 2% d’entre eux sont jugés coupables. Grace à l’intervention de CAMELEON, 30% des plaintes aboutissent à un jugement favorable aux victimes qui sont reconnues comme telles. CAMELEON milite également pour aggraver les peines lorsque l’agresseur est en position d’influence et/ou d’autorité sur l’enfant, par exemple si c’est un enseignant.
Surmonter le tabou
Les violences sexuelles sont un sujet tabou. Mais pour contrer ces violences, il est nécessaire d’en parler et de mener des campagnes de sensibilisation. L’école est le lieu où les enfants passent la plupart de leur temps ; néanmoins CAMELEON constate que les enseignants et les programmes éducatifs ne jouent pas suffisamment leur rôle en matière de prévention et de soutien. Il faut ainsi former le personnel enseignant à reconnaître les signes et symptômes des violences sexuelles et à les dénoncer.
Les recommandations de CAMELEON sur la PROTECTION DES ENFANTS AUX PHILIPPINES :
Les recommandations de CAMELEON sur la PREVENTION AUX PHILIPPINES :
Référence:
Universal Periodic Report 2017 (UPR), 27th session Human Rights Council – Child Sexual Abuse and Sexual Exploitation in the Philippines
Sources :
Articles journalistiques :
Rappler
https://www.rappler.com/move-ph/ispeak/60590-rosario-baluyot-philippines-rape
https://www.rappler.com/nation/191219-philippines-top-global-source-child-pornography-unicef
Foundation for Media Alternatives
UNICEF, Situation Analysis of Children in the Philippines, A Summary Report, 2018.
R.A. 8353: The Anti-Rape Law of 1997 https://www.lawphil.net/statutes/repacts/ra1997/ra_8353_1997.html
R.A 8505: The Rape Victim Assistance Act in 1998
https://www.lawphil.net/statutes/repacts/ra1998/ra_8505_1998.html
R.A 9208: Anti-Trafficking in Persons Act of 2003
https://lawphil.net/statutes/repacts/ra2003/ra_9208_2003.html
R.A 9262: Anti-VAWC Act of 2004
https://lawphil.net/statutes/repacts/ra1998/ra_8505_1998.html
R.A 9775: Anti Child-Pornography Act of 2009
https://www.lawphil.net/statutes/repacts/ra2009/ra_9775_2009.html
R.A 10364 Expanded Anti-Trafficking in Persons Act of 2012
https://www.lawphil.net/statutes/repacts/ra2013/ra_10364_2013.html
R.A 10175: Cybercrime Prevention Act of 2012
https://lawphil.net/statutes/repacts/ra2012/ra_10175_2012.html
R.A 10354 : The Responsible Parenthood and Reproductive Health Act of 2012
https://www.lawphil.net/statutes/repacts/ra2012/ra_10354_2012.html
Republic Act (RA) 10533, otherwise known as the “Enhanced Basic Education Act of 2013.”
https://lawphil.net/statutes/repacts/ra2013/ra_10533_2013.html
Laurence Ligier, présidente de l’association Caméléon
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