Analyse de la pratique professionnelle : un espace inédit pour les avocats et juristes de La Voix De l’Enfant

Depuis début 2025, La Voix De l’Enfant a déployé un dispositif d’analyse de la pratique professionnelle à destination de son service juridique et de son réseau d’avocats. Objectif : offrir un espace sécurisé de parole et de réflexion face à des dossiers humainement éprouvants, renforcer la cohérence des pratiques et prévenir l’épuisement professionnel.

Analyse de la pratique professionnelle à La Voix De l'Enfant

Le contexte de l’intervention juridique en protection de l’enfance confronte régulièrement les professionnels à des situations complexes, à forte charge émotionnelle : enfants victimes de violences, meurtres, procédures longues, tensions familiales, dilemmes éthiques…

D’où la nécessité d’un cadre bienveillant et confidentiel pour prendre du recul, partager les expériences et consolider les postures professionnelles au service de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Pourquoi un espace d’analyse pour les juristes et avocats ?

Historiquement peu répandue dans l’univers judiciaire, l’analyse de la pratique est courante dans les champs médico-sociaux, éducatifs ou psychologiques. L’ouverture aux juristes et avocats de LVDE permet d’introduire de façon structurée la prise en compte des ressentis, des dynamiques relationnelles et des impacts psychiques dans la conduite des dossiers.

L’analyse de la pratique vise plusieurs objectifs :

  • Offrir un espace de réflexion sur les situations complexes rencontrées par les professionnels ;
  • Apporter un regard clinique sur les situations traitées ;
  • Soutenir le service juridique et les avocats dans leur posture professionnelle face à des affaires à forte charge émotionnelle ;
  • Prévenir l’épuisement et le repli émotionnel liés à une exposition régulière à la souffrance ;
  • Renforcer la cohérence des pratiques et le travail interdisciplinaire, en favorisant une meilleure compréhension des dynamiques en jeu dans les dossiers.

L’animation est assurée par Sylvie Barjon, psychologue clinicienne, criminologue, experte judiciaire et membre du Conseil d’administration de La Voix De l’Enfant :

« Le rôle du psychologue est d’analyser ce qui se passe, d’éclairer la problématique exposée et d’y apporter un éclairage psychologique, parfois un peu de théorie. L’idée est de traiter le problème de façon globale pour qu’il concerne le plus grand nombre, même dans des situations diverses. C’est une forme d’analyse clinique de la situation. Un autre point d’intérêt repose sur ce que cela provoque chez l’interlocuteur. Comment il comprend sa situation et comment il va mettre en place des contre-réactions qui vont venir altérer sa pratique professionnelle. »

Un cadre et des principes clairs

L’espace, initialement conçu pour le service juridique, s’est peu à peu élargi aux avocats de La Voix De l’Enfant, sur la base du volontariat, sans obligation de présence.

Les séances, d’environ deux heures, s’effectuent en visioconférence pour rassembler un maximum de participants au sein du réseau d’une vingtaine d’avocats de La Voix De l’Enfant répartis sur tout le territoire. Proposé à une fréquence bimestrielle, le dispositif a depuis janvier 2025 trouvé son rythme, réunissant en moyenne une dizaine de participant·es par atelier.

« Le fait que les séances soient menées par un tiers externe est essentiel pour libérer la parole, se vider de son ressenti et se confronter à la dynamique de groupe. Les situations exposées, souvent complexes et délicates, rendent plus difficile le partage auprès de sa hiérarchie et de ses proches. L’analyse de la pratique professionnelle repose sur un principe de base : jamais de supérieur hiérarchique dans les groupes et l’animateur est toujours une personne extérieure. »

Comment se déroule une séance ?

Chaque rencontre s’organise autour d’un ou plusieurs cas apportés par les participants, anonymisés, pour un travail collectif sur la posture, les ressentis, les dilemmes éthiques et les mécanismes à l’œuvre.

« Ce n’est pas un lieu de décision, mais de dépôt et de réflexion. Je débute toujours une séance en demandant si quelqu’un a une situation à exposer. J’écoute, je redistribue la parole en faisant très attention à ne pas trop jargonner, ni à employer des termes psychanalytiques. Je prends toujours soin d’expliquer les termes que j’emploie et leur donne également des outils techniques de compréhension et théoriques. Par exemple : des schémas ou des règles de communication familiale. J’utilise aussi des outils systémiques qui sont intéressants pour imager les schémas relationnels. »

Des situations humaines qui bousculent la pratique

Dans le cadre de sa mission de plaidoyer, La Voix De l’Enfant se porte partie civile dans de nombreux procès, et parfois dans des dépôts de plainte. Les échanges établis au sein de l’atelier de l’analyse de la pratique professionnelle couvrent fréquemment des situations de violences physiques, psychiques ou sexuelles, de pédocriminalité, ainsi que des affaires familiales (garde alternée, non-présentation de l’enfant, manipulation de l’enfant, etc.).

Le dispositif a aussi permis d’objectiver les besoins autour de la permanence juridique téléphonique : l’une des sessions a été consacrée à clarifier les postures et réponses communes, à commencer la définition même de la permanence pour éviter les malentendus (ex. : appelants déjà suivis par un confrère, posture de « sauveur », etc.).

Parmi les enjeux abordés au cours d’une séance : l’influence des affects sur les décisions. Dans le cadre d’une affaire concernant un enfant victime de violences, sujet particulièrement sensible, l’avocat, aussi professionnel soit-il, peut lui aussi se sentir affecté par la situation ou se censurer selon l’émotion.

L’analyse aide à distinguer ce qui relève du ressenti de ce qui relève du professionnel, et à ouvrir d’autres pistes d’action grâce à la dynamique de groupe.

« Les violences aux enfants nous touchent particulièrement. Tout ce que l’on reçoit a un impact. On y laisse des plumes. Or si on ne prend pas soin de soi, on ne peut pas prendre soin des autres. L’atelier mis en place par La Voix De l’Enfant agit telle une soupape qui nous rappelle que nous sommes avant tout des êtres humains et qu’il est impossible de tout absorber de façon mécanique. »

Une pratique novatrice dans le monde juridique

Bien que novatrice dans le monde judiciaire, l’analyse proposée a d’emblée été appréciée (et plébiscitée) par les avocats.

« Les premiers retours sont très positifs. J’ai été surprise à quel point les avocats de La Voix De l’Enfant se sont approprié ce dispositif. C’est une corporation qui n’a pas l’habitude de partager ses émotions. Or là, on intègre de l’humain. Il y a un cadre, certes, le Code pénal, mais l’humain se gère différemment et nécessite de l’adaptation. Ce groupe est vraiment celui des avocats. Mon rôle est de me rendre utile. Je n’ai pas la solution, mais je leur apporte un éclairage. Je les suis, je leur propose un cadre, un contenu et je m’adapte le plus possible. Il faut que ça soit vivant. À moi de leur donner envie de venir de leur plein gré et qu’ils repartent avec quelque chose. »

Moins d’un an après leur mise en place, un climat de confiance s’est installé entre les participants. La liberté de parole, la reformulation et la mise en perspective nourrissent la cohérence des pratiques et le travail interdisciplinaire. Aujourd’hui, l’espace est perçu comme utile, ressourçant et professionnalisant. Les échanges contribuent à clarifier les positions. Et une culture partagée du soutien professionnel commence même à émerger.

« Cette dynamique de groupe structure aujourd’hui un apprentissage continu : l’analyse de la pratique professionnelle est devenue un outil de formation continue. Si on peut créer un précédent dans le milieu juridique, j’en serai ravie ! »

Témoignage de Maître Florence Pelé, avocate de La Voix De l’Enfant

Avocate au barreau de La Roche-sur-Yon, Florence Pelé intervient pour La Voix De l’Enfant depuis 20 ans. Depuis janvier dernier, elle a participé à quelques séances d’analyse de la pratique professionnelle dont elle salue l’initiative. Elle partage son retour d’expérience.

« À La Voix De l’Enfant, le service juridique est en lien direct avec l’ensemble de son réseau d’avocats sur le territoire. Par conséquent, il est un interlocuteur privilégié du ressenti que chacun peut exprimer après avoir traité un dossier particulièrement lourd. C’est de ces partages qu’a émergé le besoin de bénéficier de séances d’analyse pratique afin de partager nos ressentis et d’échanger sur nos dossiers respectifs. Bien que nous soyons tous des professionnels, nous sommes aussi et surtout des êtres humains soumis parfois à une forte charge émotionnelle. Nous effectuons notre travail avec sérieux, mais il est difficile de tout gérer individuellement.

En dehors de ces ateliers, il est bien sûr possible d’être en contact avec les autres avocats de La Voix De l’Enfant sur des situations juridiques spécifiques, des points de vue précis du droit, mais chacun est très pris par ses activités. Donc les occasions d’échanger sont rares, surtout entre avocats de province.

Alors quand La Voix De l’Enfant a lancé cette analyse de la pratique professionnelle en janvier dernier, bien que je n’aie pas pu assister à toutes les sessions, je me suis d’emblée emparée de ces séances pour évoquer les situations qui ont pu m’interpeller sur le moment et, avec l’aide de la psychologue, travailler sur moi. Il n’y a pas nécessairement d’ordre du jour. Les ateliers reposent sur les interventions volontaires, l’envie de partager ces expériences. L’un de nous commence à évoquer une situation concrète, ce qui amène d’autres intervenants à réagir. Les sessions portent davantage sur notre ressenti, ce à quoi nous avons été confrontés, la façon dont nous avons pu percevoir telle situation. La séance de 2 heures passe très vite.

Cette analyse de la pratique professionnelle est vraiment innovante dans notre métier. En tant qu’avocats, nous sommes régulièrement soumis à certaines pressions ou tensions. Or, si la plupart des jurys de cour d’Assise et des magistrats ont des psychologues à disposition, nous, avocats, n’avons pas accès à ce suivi psychologique.

C’est désormais le cas grâce à La Voix De l’Enfant. À chacune des séances auxquelles j’ai participé, j’ai ressenti une réelle satisfaction d’avoir pu partager les difficultés ou les incompréhensions que j’avais pu percevoir sur un dossier, et que je gardais habituellement pour moi. On se pose des questions sur notre pratique professionnelle ou liées à des cas spécifiques.  Même si, dans le cas de dossiers aux enjeux importants, les échanges peuvent être virulents, il est toujours très enrichissant de voir comment un confrère aurait agi ou réagi face à une situation donnée. Ça crée du lien.

Le fait que les séances soient animées par un tiers externe à la profession et compétent en psychologie nous aide à prendre du recul sur notre approche de la profession. Exercer le métier d’avocat est une vocation. Mais être avocat pour La Voix De l’Enfant est un véritable engagement dans la lutte contre l’enfance maltraitée. Vous êtes particulièrement impliqué. Donc Sylvie Barjon nous aide à sortir de l’affect pour mieux nous préserver. C’est très important. C’est ce que j’apprécie dans ce travail de groupe, ce collaboratif : on sort de notre étiquette purement professionnelle.

C’est une très bonne initiative de La Voix De l’Enfant que de penser au bien-être des avocats de son réseau, parfois missionnés sur des dossiers lourds. »

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